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Low-tech : définition et exemples de LA démarche d’innovation

L’on entend souvent dire qu’il n’y a pas encore de définition précise au sujet de la low-tech, mais c’est vite oublier différents travaux dont l’excellente note produite par un groupe de travail dont ont fait partie, entre autres, Philippe Bihouix, Arthur Keller et Sandrine Roudaut « Vers des technologies sobres et résilientes – Pourquoi et comment développer l’innovation « low-tech » ? » par La Fabrique Écologique. On y trouve un certain nombre de précisions, de nuances essentielles et une définition des low-tech qu’on vous propose de vous partager ici afin de nous faire tous gagner un temps précieux.

Sommaire

Plusieurs définitions


Selon l’ADEME « Le qualificatif de low-tech s’applique à une démarche et non pas à son résultat. Ainsi, un objet n’est pas low-tech dans l’absolu, il est plus (ou moins) low-tech qu’une solution alternative répondant au besoin initial.

L’approche low-tech, […] est une démarche innovante et inventive de conception et d’évolution de produits, de services, de procédés ou de systèmes qui vise à maximiser leur utilité sociale, et dont l’impact environnemental n’excède pas les limites locales et planétaires. La démarche low-tech implique un questionnement du besoin visant à ne garder que l’essentiel, la réduction de la complexité technologique, l’entretien de ce qui existe plutôt que son remplacement. La démarche low-tech permet également au plus grand nombre d’accéder aux réponses qu’elle produit et d’en maîtriser leurs contenus [1].»

Pour la Fabrique Écologique « Les low-tech, par opposition aux high-tech, sont une démarche visant, dans une optique de durabilité [forte], à questionner nos besoins réels et développer des solutions aussi faiblement « technologisées » que possible, minimisant l’énergie requise à la production et à l’usage, utilisant le moins possible de ressources / matériaux rares, n’infligeant pas de coûts cachés à la collectivité.

Elles sont basées sur des techniques les plus simples possible, les moins dépendantes possible des ressources non renouvelables, sur des produits réparables et maintenables dans la durée, facilitant l’économie circulaire, la réutilisation et le recyclage, s’appuyant sur les savoirs et le travail humain digne. Cette démarche n’est pas seulement technologique, mais aussi systémique. Elle vise à remettre en cause les modèles économiques, organisationnels, sociaux, culturels. À ce titre, elle est plus large que l’écoconception [2]. »

Tandis que pour la Pensée Écologique « une technologie est low-tech si elle constitue une brique technique élémentaire d’une société pérenne, équitable et conviviale. » Dans cette définition, plusieurs points sont essentiels : le caractère systémique, et les notions de pérennité, d’équité et de convivialité [3].

Enfin Arthur Keller, penseur de la démarche low-tech, définit les low-tech comme « une catégorie de produits, de services, de procédés […] ou autres systèmes permettant, via une transformation technique, organisationnelle et culturelle, le développement de nouveaux modèles de société intégrant, dans leurs principes fondamentaux, les exigences de durabilité forte et la résilience collective. »

Durabilité

forte

1 Sobriété

Recentre sur l’essentiel et tend vers l’optimum technologique : plus basse intensité et plus grande simplicité technologiques permettant d’assurer les besoins avec un haut niveau de fiabilité

2 Efficience

Minimise la consommation d’énergie et de ressources, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à la fin de vie en passant par la production, la distribution et l’utilisation

3 Pérennité

Présente une viabilité technique, fonctionnelle, écologique et humaine maximale à court, moyen et long terme

Résilience

collective

4 Maintenabilité

Peut être entretenu et réparé par les utilisateurs eux-mêmes autant que possible, avec des pièces et matériaux standards

5 Accessibilité

Offre une simplicité d’utilisation maximum

6 Autonomisation

Est fabriqué à partir de ressources exploitées et transformées le plus localement possible

Transformation

culturelle

7 Empouvoirement

Facilite l’appropriation par le plus grand nombre, confère du pouvoir aux citoyens et aux territoires

8 Reliance

Favorise le partage de savoirs et de savoir-faire, la coopération, la solidarité, la cohésion sociale et les liens entre collectivités

9 Simplification

Décomplexifie la société aux niveaux socio-économique et organisationnel à partir d’une réflexion sur les besoins et les vulnérabilités

À savoir, ces trois piliers peuvent aussi nous permettre de questionner la nature de nos achats, au quotidien. Vous avez possibilité de télécharger l’infographie regroupant ces informations via la page wikipédia sur les low-tech. Cette image est disponible sous les termes de la licence sous la licence CC BY-SA.

Pourquoi parle-t-on de démarche low-tech ?

Les experts s’accordent à dire qu’il faut mieux parler de « démarche « low-tech » (lower-tech) que de « low-tech » au sens strict (lowest-tech), car, à l’heure actuelle, penser « low-tech » au sens strict exclurait sinon une trop grande majorité des biens et des services et ce alors que l’objectif principal de cette pensée est d’initier un mouvement global. L’idée semble en effet d’inspirer le maximum de personnes dans le but de baisser le plus rapidement possible notre empreinte écologique et d’anticiper à l’échelle mondiale, cette « lente désescalade » ou cette « grande descente énergétique et matérielle » décrite par Philippe Bihouix[4] et Arthur Keller[5].

Par exemple, comme l’évoque Philippe Bihouix, un vélo semble « low-tech » au sens strict, et pourtant sa fabrication nécessite de nos jours beaucoup (et sans doute trop) de « high-tech ».

« Même un modèle simple contient plusieurs centaines de pièces élémentaires, dont la plupart ont un contenu technique qui n’est pas maîtrisable « localement » : métallurgie d’alliages et métaux différents, usinage et ajustage des pièces, vulcanisation du caoutchouc des pneus, préparation des peintures anticorrosion ou de la graisse pour la chaîne. […] En revanche, une fois construit, il est clairement possible pour le commun des mortels d’en comprendre parfaitement le fonctionnement, de le bricoler […] de le maintenir en état pour de nombreuses années, pour ne pas dire indéfiniment ou presque[6]».

Quant au vélos électriques, sans doute sont-ils plus « low-tech » que les voitures (au sens relatif), mais pour autant il est difficile de les considérer comme dans une démarche « low-tech », et encore moins « low-tech » au sens strict. Notamment car ces derniers ne sont pas conçus dans un optimum technologique. Les vélos classiques seraient donc admis comme dans une démarche « low-tech », tandis que les vélos électriques – si ils étaient considérés comme essentiels pour la transition, même difficilement soutenables sur le très long terme – seraient eux plutôt dans une démarche « lower-(high)-tech » (si tant est qu’on cherchait à les simplifier, les rendre réparables, etc.).

On pourrait donc dire que les « low-tech » au sens strict (biens et services ayant atteint, entre autres, l’optimum technologique), découlent de la démarche « low-tech ».

Quelques exemples d’innovations low-tech

La démarche low-tech converge avec celle des adeptes du « fait maison », du zéro déchet, du « locavorisme » ou du slow food… Cette approche nous offre aussi la possibilité d’imaginer ce que serait un métier, un bâtiment, une ville, un internet low-tech (en tordant un peu la définition..) ou même une voiture « low-tech » en attendant que l’urbanisme redessine, au profit du vélo, les villes moyennes de campagne.

Il est cependant normal que les secteurs tels que la santé, la recherche et la défense restent majoritairement high-tech, et ce tant que nous le pouvons. Personne n’a envie d’un dentiste, ni d’un chirurgien low-tech. Toutefois la low-tech a elle aussi démontré son efficacité dans la santé, comme par exemple les chiens renifleurs pour la détection de cancers, ou en ce moment même à l’étranger pour la détection de la COVID-19. D’ailleurs le gel, les masques (pour peu qu’ils soient réutilisables), la distanciation sociale et le confinement, sont une réponse low-tech.

Quant au secteur de la défense, il est également primordial d’y garder de la high-tech tant que nous le pouvons, afin de conserver notre force de dissuasion, même si là encore la low-tech a démontré qu’elle était nécessaire dans le domaine militaire pour pallier à la fragilité de la high-tech. En effet, certaines méthodes sont encore enseignées, apprendre à lire une carte papier ou encore transporter du matériel à dos d’ânes jusqu’au endroits difficiles d’accès.

En somme, économiser davantage les ressources dans les autres secteurs d’activités nous permettra d’ailleurs à terme de conserver la high-tech dans les secteurs clés précédemment cités. Une France première Low-tech Nation n’est donc pas une France 100% low-tech mais une France avec un mix low-tech/high-tech. Même si la high-tech peut et doit devenir un peu plus low-tech, il est tout de même préférable, sur le plan écologique et en terme de résilience face aux chocs à venir, que ce mix technologique soit en faveur de la low-tech dans la majorité des secteurs d’activités.

Quelle différence entre low-tech et innovation frugale ?

Comme l’explique Philippe Bihouix : « L’ innovation frugale et la démarche low-tech ont des points communs mais elles ne partent pas de la même préoccupation. L’innovation frugale a d’abord été mue par une approche business : fabriquer des produits plus simples et moins chers afin d’ouvrir de nouveaux marchés. L’innovation low-tech part d’une réflexion sur les usages et la durabilité [forte] pour proposer des produits plus sobres en ressources et facilement recyclables[7]».

On comprend alors qu’il n’y avait à la base, dans le concept d’innovation frugale, aucune intention d’intégrer la durabilité forte dans la manière de concevoir et encore moins de prise en compte de l’effet rebond que provoque une ouverture sur de nouveaux marchés. Au contraire cette approche business visait à la base l’hyperconsommation en jouant sur l’effet rebond, ce qui explique aussi en partie le pourquoi de la popularité de ce concept dans les grands groupes..

Au contraire de l’innovation frugale qui parfois s’applique à de la high-tech futile (lunettes connectées etc.), la low-tech est une approche techno-discernée et décroissante visant à réduire les besoins à la source et s’attache autant que possible à appréhender l’effet rebond, c’est l’écologie de la demande. En recentrant sur l’essentiel les low-tech supposent que nous ayons collectivement questionné nos besoins en amont. De plus comme le rappelle Arthur Keller, contrairement à l’innovation frugale, la low-tech n’est pas forcément low-cost puisqu’elle nécessite parfois de lourds investissements en R&D et est aussi intensive en main d’œuvre.. Enfin il faut savoir que le but premier de la démarche low-tech est de nous remettre en conformité avec les limites planétaires et ce quoi qu’il en coûte..

À l’instar de la problématique qu’ont les partisans de la smart city et maintenant que « le mal est fait », les partisans du concept d’innovation frugale arriveront-ils à intégrer ces notions de durabilité forte et de résilience (et donc de post-croissance) à temps (alors que nous ne pouvons plus nous permettre de perdre du temps au vu de l’urgence environnementale..) tout en sachant que le lien entre innovation frugale et croissance est clairement ancré dans les consciences ? Rien n’est moins sûr..

Comment détecter et lutter contre le low-tech washing ?

Le low-tech washing consiste, pour une entreprise, à communiquer sur le terme Low-tech dans le but de gagner en visibilité / générer du chiffre d’affaire, alors même que le modèle de cette entreprise ne respecte pas la démarche low-tech. Parfois même ce type d’entreprise joue sur plusieurs tableaux et se considère aussi bien Start-up de la French-tech, future Licorne, que low-tech. Oxymore ? Effectivement c’est un non-sens.

On vous t’invite à faire une veille au quotidien sur les réseaux sociaux en suivant le hashtag #lowtech. Le moyen le plus simple est de confronter à chaque fois, le bien ou le service, aux trois piliers : durabilité forte, résilience collective et transformation culturelle.

Tu as la possibilité de télécharger l’infographie regroupant ces informations via la page wikipédia sur les low-tech.

Bien entendu pour être dans la démarche low-tech, le bien ou le service doit satisfaire ces trois piliers. Si ce n’est pas le cas, alors tu peux inviter publiquement l’auteur du post à expliquer en quoi son bien ou son service est en accord avec l’infographie.

On t’invite à partager cet article afin de diffuser au maximum les idées de la démarche low-tech, ainsi qu’à partager la note produite sous l’égide de la Fabrique Écologique – Pourquoi et comment développer l’innovation Low-tech ?. Tu peux aussi m’aider à diffuser la démarche en me soutenant sur buymeacoffee ou tipeee. N’hésite pas à me contacter par mail si tu penses avoir une meilleure définition de la démarche low-tech. Enfin si tu le souhaites, je t’invite aussi à venir découvrir ma sélection de livres Low-tech à dévorer sans attendre.

Protégé par duplichecker.com

Notes et références

  • [3] J. Carrey, S. Lachaize & G. Carbou. Les low-techs comme objet de recherche scientifique. Vers une société pérenne, équitable et conviviale [en ligne]. Publié en décembre 2021 [consulté le 26 avril 2022]. Disponible sur : https://lapenseeecologique.com/6312-2/